Call for Papers: Francophone literatures and ecology

2021-09-10

Depuis quelques décennies déjà, la promotion de corpus sensibles aux enjeux de la dégrada­tion écologique de la planète indique et permet de repenser un certain nombre de probléma­tiques fondamentales non seulement quant aux rapports aux mondes animal, végétal et minéral mais aussi quant aux organisations sociales, économiques et politiques héritières de l’industrialisation et de l’impérialisme colonial. Comme l’écrit Pierre Schoentjes, « les textes n’oublient jamais de montrer comment les problèmes environnementaux ont partie liée avec les injustices sociales, le sort des animaux, les rapports Nord-Sud, l’immigration, la santé publique, la violence envers les femmes, la manière de penser l’appartenance à une commu­nauté, … » (Littérature et écologie. Le Mur des abeilles, Paris, Corti, 2020, p. 418).

Le comportement dysfonctionnel des humains envers la biosphère – l’être humain est la seule espèce capable de détruire son environnement – et la probabilité de basculements multiples, jusqu’à l’effondrement de nos civilisations (Jared Diamond, Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed, New York, Penguin Books, 2005 ; Adam Trexler, Anthropocene Fictions: The Novel in a Time of Climate Change, Charlottesville, University of Virginia Press, 2015) nour­rissent désormais de multiples récits et représentations. En Europe, si la réflexion sur la nature apparaît singulièrement au XVIIIe siècle, la conscience de la précarité de la nature et surtout la conscience de l’impact néfaste des industries humaines sur la planète est naturel­le­ment plus récente. Or, le caractère global des altérations et des risques écologiques, la circulation des pollutions et des contaminations, la répartition inégale des « ressources » engagent nécessairement des regards croisés sinon transversaux. Ainsi que le note ZoneZadir dans un texte ayant valeur de manifeste, la transculturalité est une dimension essentielle de « toute poétique des lieux en souffrance écologique ». Il est par conséquent nécessaire « d’appréhender le local dans ses espace-temps multiples, avec les échappées et interactions qui le façonnent, autant qu’elles sont façonnées par lui » (Littérature 201, mars 2021).

Comment penser autrement cette jonction du local et du global que comme une éthique de l’interconnexion des mondes et des substances ? Dans la section « Paysages » des Petites proses (1986), Michel Tournier agglomérait déjà des souvenirs de Méditerranée et d’Égypte, de Tunisie, de Germanie, des prairies de Normandie et des moulins de Beauce, puis de Weimar et de Californie dans Célébrations (1999). Pensons aussi à Chemins d’eau (1980) de Jean Rolin qui de l’Ille-et-Vilaine à la Bourgogne en passant par le Midi, s’arrache du « lieu unique » et des régionalismes pour envisager les métamorphoses constantes et les hybri­dations parfois menaçantes des territoires. Chez Chamoiseau, Raphaël Confiant, Dany Lafer­rière et Daniel Maximim, l’agrégation des paysages soumis de la terre natale et les horizons ouverts du monde défont potentiellement toute frontière et tout territoire de prescrip­tion : en ce sens, « écrire en pays dominé » implique véritablement un dialogue des cultures et une éthique environnementale.

Cette confrontation des points de vue, ces fondus enchainés de paysages et de rivières, de chemins et d’arbres en toute saison signent parfois davantage qu’une sensibilité environ­nementale : une façon de s’impliquer, quand ce n’est pas un militantisme (Isabelle Sorente, 180 jours, 2013, Alice Ferney, Le Règne du vivant, 2014 ; Camille Brunel, Après nous, les animaux, 2020, etc.). Dans Autour du monde (2014) de Laurent Mauvignier, le séisme du 11 mars 2011 et le tsunami qui ravagèrent les côtes japonaises se propagent subrepticement à la planète entière. Depuis le Japon, la terre tremble tout autour du monde, jusqu’en Israël, à Dubaï, en Tanzanie ou en Floride. Le tsunami est à la fois événement, métaphore vive, ondu­lation, flux, menace sourde et secousse mentale. Comme l’écrit Laurent Mauvignier :

La vague, elle, continuera sa route avec indifférence. Dans un an, le tsunami continuera de frapper – presque sans force, presque exténué –, de l’autre côté de la planète. Pourtant, il aura encore assez de puissance pour se jeter contre des icebergs en pleine mer du Nord. Il aura parcouru la Terre comme pour rappeler que tous les objets du monde sont reliés entre eux d’une manière ou d’une autre et qu’ils se touchent les uns les autres. (p. 39)

Partant de la définition de Cheryl Glotfelty (The Ecocriticism Reader: Landmarks in Literary Ecology, Athens/London, Georgia University Press, 1996), Pierre Schoentjes (Ce qui a lieu, Marseille, Wildproject, 2015) désignait l’écopoétique comme « l’étude de la littérature dans ses rapports avec l’envi­ron­nement naturel ». Partons de cette définition liminaire large pour envisager quelques problématiques complexes, dans une perspective transculturelle : comment les littératures francophones permettent-elles de traduire l’expérience d’un monde sensible menacé ? Quelles stratégies d’écriture permettent-elles de repenser les relations entre humains et non-humains ? Comment les littératures peuvent-elles contribuer à la prise de conscience des injustices environnementales ? À une époque qui voit les textes tournés vers les enjeux environne­men­taux se multiplier une double exigence s’impose : explorer la littérature en train de se faire, mais aussi revenir à des textes plus anciens pour les examiner à la lumière de notre sensibilité écologique contemporaine.

Ce numéro de Relief accueillera des articles critiques en français ou en anglais dans une ou plusieurs des perspectives mentionnées. Parce qu’elles constituent des corpus manifeste­ment sensibles aux enjeux politiques et sociaux des rapports au monde, les littératures franco­phones seront privilégiées ainsi que les approches transnationales, transculturelles et comparatistes. En outre, l’appel est limité aux corpus du XXe et XXIe siècles.

Date limite pour l’envoi des propositions : le 15 octobre 2021. Les auteurs des propositions retenues devront soumettre l’article complet (de 6000 à 8000 mots) pour le 1er février 2022.

Merci d’envoyer une proposition d’environ 300 mots, accompagnée d’une brève notice biobibliographique à revuerelief@gmail.com.